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Journal d'un "être" soignant

2 janvier 2015

Bienvenue dans cette “Terra incognita” fascinante : la gériatrie.

Bienvenue dans cette “Terra incognita” fascinante : la gériatrie.
Je suis aide-soignant. Mon univers quotidien c’est l’hôpital gériatrique. J’accompagne les vieillards, dans la maladie qu’ils n’ont pas choisi. En compagnon discret de leurs souffrances. Je ne suis pas le superman du soin ni l’Abbé Pierre de la gériatrie...
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1 janvier 2015

Un métier merveilleux !!

Un métier merveilleux !!
Je suis devenu aide-soignant par le hasard de la vie. Rien ne m’y prédisposait. Graphiste dans une agence de communication puis licencié à la suite de son dépôt de bilan, je me retrouvais sur le carreau. La crise économique de 2008 à la puissance dévastatrice...
13 mai 2019

J’étais infirme hier … mais je serai valide demain !!!

Je suis toujours un être soignant.

Après mes 3 années d’études infirmières me voilà de retour dans ce cher hôpital de gériatric city

Je retrouve enfin mon blog lâchement délaissé pendant trop d’années un peu comme on rencontre au détour d’une rue un vieux copain de lycée …

Mon cœur d’aide soignant n’a pas cessé de battre. Ce métier d’AS sera toujours pour moi ce tremplin formidable qui m’a ouvert à la souffrance silencieuse de nos anciens.

De ces 3 années d’études parfois compliquées, je suis revenu dans mon costard d’infirmier d’un blanc immaculé, la pince cochère en bandoulière et toujours le sourire aux lèvres. Je suis revenu avec encore plus de doutes que de certitudes. Car ces années m’ont finalement davantage écorchées et beaucoup appris sur la méchanceté gratuite des hommes envers d’autres hommes. J’ai réalisé, dans les multiples services où je fus stagiaire, que l’humain n’était pas toujours présent au rendez-vous.

J’ai rencontré des infirmières d’une gentillesse extrême. J’en ai hélas rencontré certaines qui n’avaient d’autres armes que leur aigreur, leur sadisme savamment distillé et de la haine aveugle et gratuite à distribuer.

Décidément non.

Je ne souhaite jamais devenir comme certains de ces soignants, le cœur remplit de jalousie et de tristesse.

Malmené et même parfois meurtris, oui je l’ai été.

J’ai souvent ressentis ces sentiments d’affreuse solitude où l’on se sent si vulnérable.

Mais mes filles et mon épouse se sont souvent dressées bec et ongle comme le plus solide des remparts face à mes pointes de désespoirs. Elles ont su me donner la force de me battre et de vaincre.

Oui je me suis battu jusqu’au bout pour cet idéal soignant. Car c’est si bon d’être soignant. Et si dur aussi pourtant. 

Je suis revenus parfois amère sur la nature humaine et ses sombres motivations à entretenir la malveillance. 

Mais je me suis juré que personne m’aurait ma haine malgré la souffrance endurée.

Oui je suis revenu droit dans mes bottes, dans un corps d’infirmier pétris de bienveillance toujours et encore.

Ces années m’auront appris qu’il faut toujours rester humble et bon. Et si lors de mes coups de stress et de mes coups de sang durant ces années d’apprentissage, j’en ai froissé certains dans leur orgueils qu’ils sachent que finalement je ne leur en veux pas… J’ai rangé mes rancœurs au placard, et enterré la hâche de guerre. Nous ne sommes que de simples mortels après tout. Les querelles nous paraitrons si dérisoire le jour de notre trépas enfin venu !

 Alors mes amis je vous le dis : donnez de l’amour à vos prochains. Faites du bien sans retenue !

Aidez ceux qui vous détestent … Ils vous enfoncerons quoi qu’il en soit … mais vous, vous garderez cette âme saine et propre qui fait de la vie une expérience belle et magnifique !

J’étais infirme hier … mais je serai valide demain !!!

12 août 2016

La dure vie du stagiaire …

Me voilà enfin à l'hôpital dans ma belle blouse immaculée, propre et bien amidonnée de stagiaire IDE pas encore tâchée à la "béta" … Je suis prêt, je suis motivé, je suis heureux et souriant (sourie pas trop mon gars : ici tu es dans le monde de la souffrance. Et ceux qui soufrent le plus, je pense que ce ne sont pas les malades … ).

Dans le stage mon angoisse c'est tomber sur l'infirmière un peu … comment dire … enfin voilà : "peau de vache", quoi… (comme peut-être 99 % des stagiaires …).

C'est parfois ingrat la position de stagiaire …  C'est un vrai rôle de composition. Pourtant c'est pas du cinoche. Même si parfois on a l'impression d'assister au diner de con … Et que le con c'est toi.

Au bout d'une semaine j'ai eu la chance d'un cocu : j'ai plutôt rencontré l'infirmière protectrice, celle qui vous prend sous son aile en bonne mère poule, celle qui vous parle avec compréhension et empathie. Celle qui vous comprend. Celle qui sait que le stagiaire infirmier en première année, qui fait son premier stage et dont c'est le premier jour peut parfois avoir ses premiers doutes et ses premières craintes … bref se pose des questions sur comment aborder le soin, comment aborder l'équipe, comment aborder le cadre, comment se positionner … Comment bien piquer, comment bien observer, comment bien aider, comment bien mater son portable sans se faire capter (oups … ! première gaffe…).

J'ai rencontré l'infirmière humaine, celle qui sait que vous ne savez pas encore faire ce qu'elle, elle sait … Vous me suivez ?

Bref, l'infirmière humaine c'est celle qui sait que vous ne savez pas faire grand chose sans avoir la main qui tremble. Celle qui a envie de vous montrer qu'elle est bienveillante. Avec elle, au bout d'une demi journée : vous avez déjà réalisé 3 prélèvements sanguins, fais l'ablation d'une ribambelle de redons, posé 4 perfusions, changé 3 sondes à  demeures … (j'exagère un peu mais ça me fait du bien ... ).

Elle a su vous mettre en confiance. Et si vous êtes célibataire, vous la trouvez tellement parfaite que vous êtes déjà amoureux d'elle … ! Vous avez ri, vous vous êtes "lâché", car vous avez compris que cette bienveillance était sa ligne directrice, sa raison d'être …

Avec elle vous vous dites qu'infirmier c'est peut-être le plus beau métier du monde … Et que oui ce métier était fait pour vous … !

Avec elle l'hôpital c'est beau, c'est humain.

Avec elle vous êtes prêt à piquer tout un service vêtu de votre cape de superman …

Vous vous sentez poussez les envies puissantes d'un sorcier guérisseur (non, non oubliez vous ne guérirez personne … !).

Au détour d'une journée faut pas rêver : je l'ai quand-même rencontré l'infirmière aigrie. Il y en a bien toujours une dans un service qui traine dans un coin poussiéreux de cette belle institution que l'on appelle l'hôpital et pour qui vous êtes aussi transparent que du liquide céphalo rachidien et aussi inexistant que certains patients dont elle s'occupe. L'étincelle de la vie ne brille plus depuis bien longtemps dans son regard. Cette infirmière là ne fais rêver personne. Même elle, ne rêve plus. Elle pense peut-être que tout idéal n'est qu'une vaste foutaise et que les jeux sont faits … Elle ne vous regarde pas de toute façon. L'hôpital ce monde cruel semble lui avoir déjà ôté sa sensibilité humaine. Si elle ne vous sourit pas ce n'est pas qu'elle a les lèvres gercées.

Même sa carte de déléguée syndicale bien calée au fond de sa caboche ne lui apportera pas la satisfaction de ses éternelles revendications. Le soucis ce n'est pas les autres. C'est elle. Au fond elle le sait. Mais la vérité quand elle trop dure à admettre ça fait du bien de la nier…

12 août 2016

Soigner c'est vivre.

Je suis l'ombre blanche qui traverse vos vies fragiles, cet homme imparfait qui vous soutiendra dans les moments où la vie n'aura plus de sens.

Je suis le soignant sincère que vous attendez peut-être pour épancher votre rage et votre révolte, pour crier et dénoncer l'injuste sort du genre humain, ce sort qui s'acharne parfois à vous faire crever dans la douleur, la solitude, l'impudeur et le tragique.

Je suis peut-être cet être qui comptera pour vous le jour de votre mort.

Je suis peut-être le soignant agaçant, ce type valide qui tient encore sur ces deux jambes pour vous qui êtes paraplégique et que l'on regarde avec cette pitié insupportable.

Dans votre démence, je suis peut-être le soignant que vous cherchez à frapper et à mordre. Que vous insultez. Sans raisons, sans pourquoi. Mais sans haine, au fond …

Mais un jour votre reconnaissance sera peut-être ma récompense.

Je suis peut-être ce soignant sur qui vous déversez vos phrases immondes et assassines : celles qui parlent de vos frustrations et de vos douleurs, de la lassitude de la vie, du regard impitoyable du monde, de l'indifférence des autres à votre sort.

La souffrance des malades que je soigne m'a permis de prendre conscience de la beauté de la vie, de regarder autour de moi et d'apprécier cet univers qui nous entoure. Soigner les autres m'a permis finalement de me soigner un peu et de réparer peut-être quelque chose de brisé au fond de mon âme.

Et de comprendre que la vie, c'est pas si moche … Que vieillir, c'est pas si con : c'est juste inévitable.

Le bien-être se définit souvent pas des éléments si simples et si basique : j'ai apprécié d'entendre mon cœur qui bat, mes jambes qui me portent, mes poumons se remplirent d'air… J'ai écouté ce monde qui vit. Je me suis laissé baigné dans sa lumière.
J'ai écouté vibrer des bonheurs éphémères, j'ai laissé éclater des silences. Il est quelque fois si difficile d'écouter son corps qui vit, se trouble et s'émeut de la beauté des choses. Il est essentiel de se dire : je suis là, et j'apporte chaque jour un morceau de vie.

Alors, le bonheur d'être soignant n'a pas de prix.

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20 avril 2016

Le mal est en chacun de nous ...

1962. Jérusalem. Hannah Arendt, journaliste juive, couvre le procès d'Adolph Eichmann, criminel nazi. Le patron d'Auschwitz.
Elle pensait trouver en ce "cher Adolph" un monstre assoifé de sang. LE criminel de guerre par excellence, le diable personnifié. Hannibal Lector en version germanique et croix gammée. Loupé. Celui que Hannah Arendt pensait être un terrible bourreau doté de l'esprit vif du vautour aux aguets n'était rien d'autre qu'un minable petit exécutant sans envergure … Qui ne faisait que poliment s'acquitter de sa tâche de modeste fonctionnaire bien élevé obéissant à un régime autoritaire et terriblement bien organisé … Un Adolph obéissant à un autre Adolph, un moustachu acariâtre à la mèche rebelle
(décidément, il manquait d'imagination créatrice pour les prénoms dans le 3ème Reich …).

Je vais vous raconter une autre histoire qui sera peut-être en lien avec la première …

Une histoire vécue dans un lieu que je tiendrai secret.

Dans cette histoire, il y a "Mickael". Tu ne m'en veux pas si je t'appelle Mickael ??
C'est vrai que je ne te laisse pas trop le choix. Excuse moi.

Sacré Mickael. Il est beau, il est grand, bronzé comme un surfeur de la côté ouest californienne.
Chemise à fleurs sur un torse brillant tartiné au monoï et œil bleu glacial qui font "kiffé grave" les petites nanas du service. La barbe de 3 jours, la chevelure massive et bien fournie d'un brun puissant, chaque mèche capillaire gominée, sculptée, d'une façon presque charnelle … Mp3 greffé sur son organe auditif, avec des lunettes de soleil piquées à Terminator …

Un beau mec, charismatique et ténébreux, sûr de lui, indestructible … Ce n'est pas un type. C'est un concept à lui tout seul Mickael …

Dans cette histoire il y a Jenny et Marie Lou. M'en voulez pas les filles je vous ai donné des noms d'emprunts. Jenny et Mary Lou ce sont ses collègues. Les collègues de Mickael. Mickael les "manage" avec une âme de chef. C'est lui qui dirige. C'est lui le plus ancien. C'est lui qui décide ce qui est bon pour les patients …  Enfin surtout ce qui est bon pour lui. Car ce qui compte dans le service ce sont ses 3 heures de pause scandaleuses et quotidiennes immuables. Ce qui compte c'est qu'on lui obéisse. En petit despote du soin, il aime son travail qu'il exécute avec la régularité froide d'un métronome. J'aimerai ne pas te juger Mickael. Mais c'est dur quand je t'entends ouvertement mépriser ces hommes âgés. Alors s'abstenir de tout jugement n'incite-il pas un peu à excuser toutes les valeurs que tu bafoues … ?

Les filles se pâment devant Mickael. Elles ne voient plus son mépris pour ces hommes usés par le temps qu'il expédie rapidement le soir au coucher au fond du lit. Faut bien le comprendre : il a bien me droit d'aller s'en "griller" quelques unes, Mickael … Il est devenu un peu leur modèle, le mec cool qui bosse comme un dieu … Le mec sympa qui ne se prend pas la tête. Aveuglées, ses collègues finissent un peu par bosser comme lui. Avec autant d'empathie qu'un "tueur" aux abattoirs. Pourtant ce sont des braves filles … Mais il y a Mickael et c'est lui le chef. C'est lui qui sait. C'est l'autorité qu'on respecte. Alors ce mal est-il en chacun de nous ? Nous sommes quelque part des marionnettes malléables et influençables. Hannah Arendt l'a dit : le mal c'est l'absence de pensée … Si une autorité ou un pouvoir que nous reconnaissons et qui représentent à nos yeux une légitimité inébranlable nous ordonne de  trucider notre voisin, nous leur obéirons peut-être. Alors tremblez braves gens ! Car au fond de votre cœur que vous croyez si bon il s'y cache sans doute un petit "Eichmann" … !

25 décembre 2015

Le concours

Je me suis jeté dedans à corps perdu. Je sentais que c’était le bon moment. Je me sentais comme arrêté à un carrefour, ou stoppé dans un tournant.
Le tournant de ma vie … Ah, la belle phrase toute faite ! J’en ai passé des week-end à potasser. Des soirées. Des jours fériés. Des jours de repos. Des journées en famille. J’ai acheté un bouquin, puis deux, puis trois. J’ai sacrifié des jours de soleil, des jours de printemps où les oiseaux chantaient la vie, chantaient l'espoir qui représentait mon renouveau. Il fallait relever ce challenge. L’envie d’apprendre, de voir son futur encore plus loin, d’évoluer. Tout ça me prenait les tripes. Il me fallait l'obtenir, ce concours infirmier.

Pour moi, aide-soignant - infirmier c’est un peu le même “package” ... même si c’est bien différent. Ca se ressemble, ça se complète : ça sent le soin à plein nez, c'est lâcher un bout de son amour propre et en faire don à cet autre que soi, cet autre malade. Celui pour qui vous serez beaucoup les jours de peine ...

Dans ces métiers du “take care”, comme le disent nos cousins Anglos saxons, ce qui me plait c’est cette démarche humaniste commune. Cette approche de l’humain. Soigner c'est insuffler un peu de sa vie à celui qui souffre. C'est comprendre. C'est écouter. C'est prendre le temps avec un patient. Ou, au moins, lui faire comprendre, à demi mot que l'on aimerait le prendre, ce peu de temps.

Soigner c’est un peu comme suivre une recette de cuisine : c’est avec tous les ingrédients bien mélangés que ça devient bon. Une bonne dose d'envie de bien faire, saupoudrée le tout avec un peu d'humour, un bon zeste de dialogues et d’échanges, un peu de recul sur soi même, une pincée de dérision et vous y êtes. Faites chauffer le tout à 37° C, délayer l'ensemble avec une bonne cuillérée d'empathie, de cette belle empathie qui vous fend le cœur ... Laissez à température ambiante … C'est prêt, tout le monde à table !

J’ai pensé peut-être qu’il me fallait un renouveau à ma vie de soignant. J’ai eu à nouveau cette envie de vibrer ... de me retrouver sur les bancs d'un amphi, entourée de cette belle jeunesse, ressentir encore l'insouciance de mes premières années d'études … cette belle époque où les premières rides n'avaient pas encore commencé à entailler ma trombine. Mais cette fois avec une vraie et une belle motivation.

Et puis c’est vrai. On m’a dit : “tu feras un bon infirmier !” Vas-y mon p’tit ! Vas-y à fond ! Tu es fais pour ça ! T’es encore jeune !  (C'est un peu naïf ces phrases toutes faites mais ça fait du bien, souvent …)

Je me suis dit aussi : je suis un aide-soignant heureux. Je serais aussi je l'espère un infirmier heureux.

Repartir dans les études c’est renouer avec la joie d’apprendre, de m’ouvrir à de nouvelles connaissances. C’est m’enrichir au contact des autres, de nouveaux collègues, de patients, de gens que je ne connais pas encore mais qui en vaudront la peine ou pas. Excusez-moi pour ce déballage de bons sentiments. Mais comprenez-moi. C'est si bon de tendre vers cet idéal rêvé. Cet idéal que jamais je n'atteindrai. C'est mon moteur, ma drogue, mon adrénaline.

J’étais prêt à assouvir ma curiosité de soignant toujours en devenir. Prêt à creuser encore et toujours l’abîme du savoir qui fait que par la connaissance on devient parfois meilleur.

Mars 2014. Je passe le concours. Deux mois s'écoulent. L'attente est là, pesante. Juin débarque et pointe le bout de son nez. Les résultats s'affiche sur la "toile"… Je l’ai eu, sur liste principale, me permettant si nécessaire de bénéficier d'un report d'entrée…

Affichant le sourire étincelant, tout ravigoté par la fraîcheur de juin, je suis parti la fleur au fusil, dans le bureau du directeur pour lui communiquer la nouvelle. Avec la tête de l’apôtre qui s’en va répandre la bonne parole ...

J'ai bien cru que tout cela n'allait être qu'un faux départ. Je n'avais aucune certitude que mon hôpital pourrait me financer. L'attente fut longue. Mais la flamme de l'espoir vacillait sous la blancheur immaculée de ma blouse d'aide-soignant.

Une année passa. Jamais je n'oublierai ce 7 août 2015. Le jour "béni" où le directeur me donna le feu vert du départ … (Il faut savoir dire merci et reconnaître sa bonté : je lui suis reconnaissant pour longtemps de m'avoir permis de réaliser ce projet qui me tenaillait le corps et l'esprit…).

J'ai intégré début septembre un ifsi lyonnais. 4 mois ont passé. Aujourd'hui c'est Noël. Curieuse date pour se livrer et s'épancher sur cette année 2015, qui pour moi fut jalonnée de joies intenses et de coups du sort, d'incompréhensions, de ruptures et de morts, de loin ou de près, et de proches perdus à jamais.

Je suis un homme rempli d'espoir. Parfois anxieux et chargé d'interrogations face à ces 3 années qui se présentent à moi. Le parcours sera long. Il sera peut-être aussi difficile. Mais je suis bien déterminé à donner le meilleur de moi-même. Pour moi, bien sûr. Et pour ceux qui me soutiennent aussi.

Quelle part de l'aide soignant que j'étais, (ou que je suis encore ?), laissera cette empreinte indélébile dans le futur infirmier que j'espère devenir ? Je ne pourrai répondre aujourd'hui … Peu importe. Je suis toujours un être soignant.

Alors écoutez mes paroles : vivez, aimez, apprenez, découvrez : parce que cette vie est finalement si belle quand on la regarde de près qu'elle vaut la peine d'être vécue.

L'humain a parfois le visage de la haine, de l'indifférence et du mépris. Mais qu'il est bon finalement de parvenir, en mettant tout son cœur à l'ouvrage, de s'élever au dessus de toutes ces vicissitudes et de ne prendre que la part du bon qui sommeille en chacun de nous … Il est vrai, cette tâche est lourde. Et bien orgueilleux celui qui oserait prétendre à toujours y arriver sans trébucher dans les obstacles de la vie qui se plait si souvent à jouer avec nos certitudes et notre belle assurance.

25 décembre 2015

L'EHPAD qui épate …

 

Je suis tombé il y a quelque temps sur un sympathique reportage au moment du journal de 20 heures sur cette non moins sympathique chaine  de Tf1 …

Le sujet : "on peut-être très heureux passé 70 ans et plus … et encore plus heureux qu'à 20 ans …"

Certes. Pourquoi pas … ??

Je ne doute pas que certains de nos septuagénaires, voire octogénaires, voire aussi … nos centenaires, sont des personnes heureuses et épanouies… Passons…

Le plus amusant c'est le reportage qui a suivit. (il était court mais croustillant …enfin pour celui qui travaille en gériatrie… Bien sûr !).

Je ne sais pas si celui qui a fait ce reportage (qui paraissait être un reportage dans une maison de retraite), y avait déjà vraiment mis les pieds … En tous cas, on sait que le reporter et le cameraman ne sont certainement pas entrés à l'improviste …

On se serait cru un peu dans le monde parfait, un "wonderful world" à la Louis Armstrong,  le pays de Candy, ou celui des Bisounours.

Le français moyen qui a vu le reportage peut-être rassuré : on vieillit bien chez nous ! On devient vieux, très vieux même, on rigole, on est heureux (plus qu'à 20 ans c'est pour dire), les gâteaux croustillent sous la dent (oups pardon , le dentier…) ça rassure finalement : la vieillesse c'est trop cool …

Pas une seule grand-mère grabataire à l'horizon. Juste une poignée de mémés pimpantes et hilares, triées sur le volet et s'exprimant toutes comme si elles avaient fait sciences po …

L'œil pétillant, les neurones en éveil, la coiffure impeccablement permanentée, maquillées comme des mannequins pour une pub de Christian Bior, pas une seule tâche du repas de la veille ou de l'avant veille sur la robe à fleurs…. Rien qui fasse désordre. Et  rien qui fasse vraie aussi … pour celui  qui sait ce qu'est un ehpad.

On se serait cru dans un cercle de jeu de bridge des beaux quartiers de Neuilly sur Seine …

Ca fait plaisir de savoir que dans nos contrées il existe ces lieux idylliques…

Enfin, on aperçoit une charmante jeune fille avec un tailleur à faire pâlir d'envie une hôtesse de l'air qui sert le goûter à toute l'assemblée : un bon vieux gâteau comme on en voit jamais en institution … C'est sûr : ils ont du le faire fabriquer exprès pour le reportage celui-là …

Toujours pas une blouse blanche en vue, pas une seule cadre de santé à l'affût de la faute d'hygiène. Faudrait pas croire surtout qu'elles soient malades ces charmantes grand-mères ma foie fort agréables… ça sentirait la supercherie à plein nez …). Si on nous dit qu'elles sont plus heureuses qu'à vingt ans ce n'est pas pour que l'on suspecte en elles un cancer qui les ronge ou la démence qui pointe le bout de son nez …

Cette vision idyllique c'est un peu comme les épisodes de Capitaine Flam dans mon enfance : ça devait se passer dans une autre galaxie …

Je m'interroge : on prend le téléspectateur pour un gros … naïf ou on a envie de se rassurer sur ce qu'est ou ce que l'on aimerait que soit la vieillesse …

Enfin ce qui est sûr c'est que l'on nous ment. La réalité ne pensez surtout pas que l'on va vous la montrer le soir, quand vous serez bien au chaud les pieds dans vos pantoufles …

Sacré désinformation … quand tu nous tiens.

20 septembre 2015

Règlement de compte avec la mort

La mort a débarqué comme ça, un dimanche matin, sans y être invité.
Juste avant la messe sur France 2.

Aucune pitié, aucune retenue, aucun scrupule.

Pourquoi a-t-elle fauché la petite vieille de la chambre 66 ?

Elle s’est agrippée à elle quand elle regardait la messe à la télé ...

La mort ne savait pas que ses enfants et ses petits-enfants passaient la voir cette après-midi ?
Aucun respect pour la famille ... Faut toujours qu’elle fasse ses coups en douce.

C’était ma petite grand-mère préférée. J’aimais bien causer de la vie avec elle. Mais la mort ne devait pas supporter. Le bonheur ça la dérange. Ca devait la frustrer de la voir encore dans le monde des vivants. Elle l’a prise dans ses filets.
Elle pensait qu’elle avait peut-être des chances de s’en sortir. Surtout quand elle voyait la petite mémé sourire ...

Alors c’est plus fort qu’elle : faut qu'elle sème le malheur partout où elle passe. La mort aime bien traîner ses guêtres dans nos couloirs. Hanter nos chambres, pénétrer dans les lits des vieux et y faire son nid comme une vipère qui se coule dans un mur de pierres.

Je ne l’ai jamais prise en flag. Mais elle ne perd rien pour attendre. Je le connais son petit jeu. Elle s’attaque aux plus faibles, aux vulnérables.
Et leur assène le coup de grâce. Elle frappe sans prévenir, insidieusement. Mais elle ne perd rien pour attendre.

Elle verra, le jour où je serai vieux quand elle frappera à ma porte ... Elle pourra insister ... Moi, ce jour-là, je n’ouvrirai pas.
Elle pourra toujours crever ... Ce jour là, moi aussi j’allumerai ma télé pour voir la messe. Je me mettrai à prier.
Et là, une fois rentrée, je pourrai enfin l’achever.

20 septembre 2015

Entraide mortuaire

Cécile, l'aide-soignante "poissarde" de l'EHPAD "spécial grabataires", pénètre dans l'office du SSR avec sa mine défaite.

"J'ai un problème… Enfin … On a un problème"

- Ah bon ? Tu as trouvé d'autres collègues aussi poissardes que toi ???

- Sérieux, Rod. J'ai bloqué le chariot de la morgue… Le plateau élévateur ne monte plus, c'est la cata.

- Fais un bon d'intervention. Les gars de la maintenance viendront réparer.

- Ca ne peut pas attendre. Il y a les 95 kilos de Madame Lafouille qui sont aussi bloqués dessus …

- Non ? Madame Lafouille ? Elle est décédée ??

- En une semaine. Elle a décompensé, elle s'est encombrée. Bref. Rapide. On a besoin de toi. Surtout de tes muscles …

- Merci. Ca me fait plaisir que tu remarques ma musculature de culturiste …

- Faut qu'on soulève le plateau qui est posé sur le chariot et le faire glisser avec le corps dans le frigo … Tu me suis ?

- Je te suis où ça ? Dans le frigo ?

- Garde tes blagues foireuses pour des jours plus gais…

- Bien. J'enfile mon costume de superman et j'arrive. Un homme dans un service faut que ça serve à quelque chose d'utile …"

Débarquement dans la chambre mortuaire. Tout le staff des AS de l'EHPAD du rez de chaussée est agglutiné autour du corps de Madame Lafouille. Comme des mouches sur un gâteau de miel … Une belle collection de mines perplexes, auxquelles vous rajoutez les cernes et les marques de fatigue de cette fin de soirée plus un petit peu de stress dû à la situation.

Petit coup d'œil au socle du chariot.

Cécile me lance un : "C'est grave docteur ??"

Je lui réponds : "A moins d'un miracle, on peut passer le chariot en soins palliatifs …"

Je leur montre les cases fermées. "Il y a du monde là-dedans ?"

Cécile fronce les sourcils :

"Je mâte un coup pour voir … Non personne. C'est tout vide …"

- Véro tu rentres dedans et tu nous aides pour tirer le chariot à l'intérieur de la chambre froide…?

- Ca ne va pas la tête ! Moi vivante je ne mettrais pas les pieds dans ce hangar à macchabées !!"

Finalement c'est Cécile qui s'y colle. C'est beau la solidarité.

"Allez les filles ! 3 d'un côté et 3 de l'autre … ! On décolle le plateau et on le gerbe sur les rails !"

Le transport mortuaire est arrivé à bon port.

A grands renforts de gouttes de sueurs et de volonté de bien faire Madame Lafouille a finalement intégré sa résidence réfrigérée sans encombres…

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