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Journal d'un "être" soignant
2 janvier 2015

Crise cardiaque

20140122-052056-g

 

Il est 18 h 30.

L’infirmière entre dans la chambre de madame Grandcoeur pour lui donner ses médicaments.

Cette petite grand-mère discrète et courtoise est arrivée dans le service à la suite d’une chute qui fractura son fémur gauche… Elle s’était pris les pieds dans la laisse du chien…

Tranquillement attablée, bien enfoncée dans son fauteuil coquille, elle mange son gratin de courgettes. Elle adore le gratin de courgettes Madame Grandcoeur…

Nous distribuons les derniers plateaux du repas du soir avec mes collègues.

Soudain, un cri. L’infirmière, les yeux emplit de panique, sort de la chambre de madame Grandcoeur et fait irruption dans le couloir et nous interpelle. Nous la suivons dans la chambre de Madame Grandcoeur qui vient de s’écrouler sur le sol, tétanisée. Secouée par des spasmes, écumant, elle perd presque connaissance. Son regard s’évade. Elle bave, geint doucement, et nous tient des propos incohérents. Molle comme une poupée de chiffon elle ne peut retenir un jet d’urine qui se répand sur le sol ainsi que des selles qui coulent le long de ses jambes tâchant ses bas de contention.

Elle reprend ses esprits au bout de quelques minutes. Elle reprend ses esprits mais ne comprend pas ce qui lui arrive… Nous non plus d’ailleurs… échafaudant avec l’infirmière à son chevet toutes sortes de supposition sur la survenue d’un éventuel AVC ou autre crise d’épilepsie…

Je la rassure, elle me sourit. Son teint est pâle, elle a des difficultés d’élocution et articule difficilement. Je lui prends la main, elle est froide. La jeune infirmière qui est du soir avec nous lui caresse le bras tout en prenant sa tension. Le médecin de garde est prévenu. Le voilà qui débarque. Son diagnostic va rapidement tomber : suspicion de crise cardiaque. Mutation directe aux urgences de l’Hôpital le plus proche. Le Samu arrive. Tout va très vite. Une demi heure après, le calme est revenu, la chambre est vide. L’infirmière choquée a retrouvé des couleurs.

Le soir vers 21 heures Madame Grandcoeur poussa son dernier souffle seule sur son brancard dans le couloir des urgences ….

Je la revois lire ses magazines, sa revue télé et un vieux bouquin sur la Résistance à longueur de journée.

Quelquefois on la voyait avec ses charentaises aux pieds qui traversait à petits pas feutrés les couloirs de l’hôpital, entrainée par les kinés qui lui faisaient faire sa rééducation.

La chambre a été désinfecté, nettoyé, dépersonnalisé. Un sac en plastique pleins d’effets personnels, avec une étiquette à son nom : c’est tout ce qui reste de Madame Grandcoeur. Son visage, son sourire, resteront gravés dans nos mémoires pendant quelques temps encore… Nous finirons par l’oublier comme tous ceux qui nous ont déjà quittés.

Sur une feuille scotchée derrière la porte de l’armoire un petit mot avait été oublié :

« Guéris vite mémé, on t’attendras à la maison, C’était signé “Mélissa” ..."

Elle ne rentrera plus à la maison. Mélissa doit être triste à l’heure qu’il est.

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