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Journal d'un "être" soignant
24 mai 2015

Amandine, Aide Soignante.

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Bosser avec ma collègue Amandine relève d'un tour de force : il faut à la fois gérer les patients et gérer Amandine. Gérer ses sautes d'humeur, ses états aussi changeant que des climats sub tropicaux, aussi violents que des cyclones américains.

C'est vrai dans cette putain de vie, dans cette putain de société on ne naît pas tous avec les mêmes chances au départ. Amandine et la chance ça fait deux. Voire plus. Elle n'a jamais vu son père. Il est parti bien avant qu'elle ne voie le jour. Elle a vu sa mère. Elle la verra toute sa vie. Comme ce jour où elle se suicida devant ses yeux de gamine quand elle avait 8 ans. Quand on démarre sans parents à 8 ans on se dit que la chance elle a pas frappé comme il faut à sa porte. Sa vie est tout sauf une belle ligne droite remplie de calme et de volupté. Sous son look gothique, ses piercings, ses cheveux noir violine, son maquillage qui n'en finit plus de souligner des paupières fatiguées par l'alcool et les stupéfiants se cache une fille paumée, pathétique, agaçante, attachante.

En perpétuelle rébellion contre elle-même, contre le monde, contre la société. Elle se cherche. Mais surtout elle se perd. Elle se perd dans la drogue et l'alcool. Elle imbibe toutes ses nuits de vodka et de cannabis. Et elle cherche en vain un être qui pourra la comprendre voire peut-être l'aimer. Heureusement on se dit qu'elle a son job d'AS. C'est ça qui la tient. C'est ce qui lui évite de sombrer définitivement. Un jour elle rencontre l'amour. Un autre gars encore plus paumé qu'elle. Un gars qui la frappe. Un gars qui lui revend sa coke. Et elle s'enterre un peu plus.

Elle est plus malade que les patients dont elle s'occupe.

Torturée par son manque d'amour et d'affection combien de fois l'ai-je aperçu à discuter avec une de nos petites grand-mères assise à côté d'elle à lui caresser les cheveux … C'est beau ce geste de compassion et d'amour envers nos anciens. Mais c'est trop, C'est pas sa mémé. Il y a des gestes que l'on se doit d'éviter. Trop familiers. Trop déplacés.

Amandine on peut plus la supporter. Je pourrais éprouver de la pitié pour elle. De la compréhension.

Amandine elle a fini pas sombrer. A 28 ans, après une pose de prothèse de hanche qui ne tenait plus sur son squelette et ses os détruits, elle a été placée en longue maladie. Seule et dépressive, l'alcool et tout le reste ont fini par lui remettre le grappin dessus …

Un an après son opération elle fut internée en hôpital psychiatrique. La folie avait fini par achever cette âme en peine. On ne la revit plus jamais.

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Commentaires
A
Merci pour tes anecdotes qui résonnent si vrai dans mon esprit...je les ai lues d une traite...tes mots retranscrivent des subtilités incontournables de notre métier sans compter cette humanitude qui semble t accompagner dans les jours avec et les jours sans! Bravo XXX<br /> <br /> En ce qui concerne l histoire d Amandine, elle nous rappelle que les aides soignants peuvent eux aussi (re)devenir patients à tout moment, que la blouse blanche et l étiquette ASDE sont l habit que porte une âme dans un corps avec son vécu, ses forces et ses faiblesses ! HUMAINS quoi...<br /> <br /> <br /> <br /> Dur,( insupportable?) d assister au déclin d un/e collègue, de se sentir impuissant sans compter la charge supplémentaire de travail et le positionnement à adopter lorsque cela touche l équilibre déjà précaire d un service. En parlant de ça, le "burn out" me fait penser à une BMR.... trêve de plaisanteries.
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