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Journal d'un "être" soignant
26 mai 2015

Petites maltraitances du quotidien …

Bonjour,

Je m'appelle Victor Dumont.

J'étais ingénieur chimiste, érudit chef d'entreprise, père de 6 enfants.

Je parlais 4 langues, je voyageais dans le monde entier, je vivais dans une demeure bourgeoise, et mes enfants ont fait de brillantes études.

Aujourd'hui je suis vieux. Vieux et malade. Un AVC m'a laissé hémiplégique, aphasique, mutique. Ma vie a échoué dans la chambre d'un hôpital gériatrique …

Et je ne comprends pas pourquoi certains soignants s'adressent à moi comme à un gosse de 2 ans… " Allez, allez, on vous installe sur une chaise pot et on vous laisse un peu dessus hein ? Si vous avec envie de faire caca, c'est là qu'il faut le faire … D'accord ? Vous avez compris ? Faut faire caca dans le pot ... 

 

 

Je m'appelle Baptiste Garnier.

Et quand j'étais jeune, j'étais communiste.

Les nazis ont abattu mon petit frère devant moi en 1943.

Puis ils m'ont déporté au camp de Buchenwald où j'ai croupis pendant des mois dans des baraquements sordides sous les brimades et les humiliations des gardiens SS.

Là bas j'ai subi la torture.

On m'a broyé les doigts, arrachés les ongles avec des pinces.

J'ai appris à me taire face à la barbarie et à la haine.

Aujourd'hui je suis vieux. Vieux et malade. Insuffisant cardiaque, boursouflé par les œdèmes, je sais que pour mon cœur les jours sont comptés …

Et je ne comprend pas l'attitude de ce soignant qui me trimbale comme un sac à patates et qui vient me coucher à 16 h 30 sans me demander mon avis. Et me cale brutalement au fond de mon lit, sans un regard tendre, sans un geste de douceur. Tout ça parce que je suis vieux très vieux. Et fatigué, très fatigué. J'ai appris à ne rien dire. J'ai subi la torture. J'ai subi les humiliations dans les camps. Pourquoi dois-je encore les subir à 90 ans dans un hôpital gériatrique ?

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Commentaires
V
...merci pour ce récit...je suis moi aussi AS et travaille en ehpad et cela me fait penser à une phrase que j'adore : dans les couloirs du temps, le temps n'existe pas...<br /> <br /> Nous avons été, nous sommes et nous serons et tout cela s'entremêle. Sommes-nous encore ce que nous avons été...oui, nous continuerons à être la somme de toutes ces tranches de vie que certains soignants, ignorants et pressės (dont je fais parti trop souvent bien malgré moi...), ne verrons pas, le présent de cet homme étant la seule chose tangible sur laquelle s'appuyer...<br /> <br /> j'aimerai parfois oublier cette condition humaine, existantielle...mais elle me rattrape à chaque fois que je pars travailler...je pose mon regard sur ces êtres vieillissants en me disant que chacun est unique, riche de sa réalité intemporelle et inaccessible si ce n'est par bribes...et ce non-verbal qui nous dit tant de choses...j'aime aussi mon métier mais je vis aussi avec cette frustration de ne pas toujours avoir la force d'aller vers eux...<br /> <br /> merci pour votre blog, je vais vous suivre car j'aime votre vision du métier pour le vivre aussi moi-même parfois avec une telle intensité qu'elle en devient libératrice, créatrice et plus humaine...
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