Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'un "être" soignant
2 janvier 2015

Femmes… à traire

Monsieur Dubois est un patient âgé de 82 ans qui nous arrive dans le service de SSR en attente de placement en maison de retraite. Ancien agriculteur, vieux garçon, sans enfants, il est totalement désorienté. Il déambule à longueur de journée dans les couloirs de l’hôpital, sa casquette à carreau vissée sur son crâne lisse, le regard aussi impassible et inexpressif qu’un basset artésien. Il déambule en quête de l’âme charitable qui acceptera de le reconduire dans sa ferme auprès de ses vaches. Mais sa ferme a été vendu et ses vaches ne broutent plus son pré depuis longtemps...

Il est charmant Monsieur Dubois ... Il tente de rentrer dans une chambre, fais pipi derrière la porte d’une autre, écrase ses selles dans le lit de son voisin ... ou déguste le “Paris Match” de la voisine de chambre ... En effet pour le distraire nous avions essayé de lui donner des revues : grosse erreur : il les mange ! Il dérobe des objets aussi variés qu’hétéroclites par ci, par là, qu’il cache dans des placards ou dans son pantalon semant la zizanie et le désordre derrière son passage.

Un jour en lui vidant ses poches pleines à craquer on a retrouvé un rasoir mécanique, deux cure dents, les lunettes de la cadre, le stylo quatre couleurs du kiné et une poche à urine de sonde urinaire ! Nous avons essayé de lui faire feuilleter les pages de son petit album photo de poche : mais il s’en en servi pour s’essuyer les fesses un jour de fortes diarrhées...

Monsieur Dubois c’est Attila et Arsène Lupin à lui tout seul ... Ce jour-là, au détour d’un couloir il croise Madame Laville, 85 ans, schizophrène et persécutée… Ni une ni deux le voilà qui l’accoste… : “ Vous habitez du côté de Saint-Glinglin ? Parce que v’là, il s’ fait tard et faut qu’j’rentre voir les bêtes... Hein ? Vous comprenez ? ” Voilà la pauvre femme l’air inquiet et interrogatif dans le couloir face à Monsieur Dubois qui lui bafouille en postillonnant une série de phrases incohérentes et incompréhensibles. Tout en fronçant son sourcil gauche, son regard fixe semble lorgner sur l’opulente poitrine de Madame Belleville… D’un geste sûr, il lève les bras et plaque ses larges mains de travailleur agricole sur les seins de Madame Laville et commence à les secouer dans tous les sens. Elle hurle les deux bras en l’air, bondit et recule, scandalisée par ce satire campagnard et lui lance un : “Ah le salopard !! Fout le camp, salaud !” Lui n’a pas compris cet état de révolte. Il fronça un deuxième sourcil, imperturbable. Et lance : “bon ... tant pis, moi je sais pas... mais... je voulais juste la traire... Ca doit ben faire longtemps qu’elle y a pas eu droit la pauvre ! ... Bon, c’est pas le tout mais il doit s’faire tard et faut que j’rentre voir mes bêtes ...” Elle part en hurlant, outrée d’avoir été abordée de façon si cavalière. Lui garde son flegme “made in Alzheimmer” avec sa moue imperturbable, hochant les deux sourcils cette fois.

Publicité
Publicité
Commentaires
Journal d'un "être" soignant
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 47 751
Journal d'un "être" soignant
Publicité