Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'un "être" soignant
20 septembre 2015

Changer l'immuable

Ce matin là, je n'ai pas pris ma pause à 9 h 00. Trop de boulot. Du lourd Du compliqué.
De ces matins où tout s'articule de travers, où l'on glisse sur la savonnette, où l'on renverse la bassine d'eau, où votre collègue a le moral dans les chaussettes … Bref. On pédale un peu dans la semoule.
Quand tout se remet sur les rails et que l'on a pris le rythme c'est vraiment dommage de s'arrêter dans son élan.
Notre cadre est parti à la retraite et ne viendra pas me chercher dans les couloirs pour m'inciter à la pause.
Alors je profite un peu de ce vide institutionnel pour m'offrir une belle parenthèse de liberté d'action … O joie !!

Ma collègue reste songeuse… "Mais ça va pas ?? Faut te poser, tu tiendras pas le coup. Tu vas être fatigué, épuisé, éreinté, sur les genoux, cassé, explosé …".

Ce qui me fatigue c'est l'inaction. A contrario, aider l'autre dans le besoin me stimule.

Je ne suis pas CONTRE les pauses. Je pense simplement que l'horaire imposé de la pause à 9 h 00 c'est parfois trop tôt. Ce qui est systématique me devient alors antipathique.

On commence à 8 h 00 les toilettes … 1 h 00 après on va poser nos fesses à l'office pour aller se goinfrer et remplir nos estomacs de sucrerie inutiles. Aujourd'hui j'ai dit non à ce petit vice organisationnel.

Que l'on n'aille pas me parler de cohésion d'équipe … Ce n'est pas une pause qui va souder tout un service.
Au contraire, c'est le fait de s'entraider dans l'effort et la difficulté.

LE TRAVAIL : c'est ça le ciment de l'équipe.
Je veux être solidaire avec mon collègue qui bataille dur pour lever un patient grabataire.
Ca ne m'intéresse pas d'être solidaire avec lui pour ingurgiter des tartines de confiture.
Trop de sucres c'est pas bon pour la santé. C'est l'INPES qui l'a dit …

9 h 00 c'est l'heure cruciale de la matinée. Le service se met en branle. On est au cœur de l'action.

Les patients attendent que l'on s'occupe d'eux. Ils nous interpellent pour se lever, faire pipi, ouvrir leurs volets, voir "Télé matin", se tremper les mains dans l'eau salvatrice qui ressuscitera leurs corps engourdis par la nuit.

On n'a pas choisi ce métier par hasard. On se doit de ne pas être comme les autres, nous, les soignants. On se doit d'avoir un peu plus que l'être humain lambda le cœur sur la main.

Alors notre petit plaisir personnel passera après celui de nos patients. N'en déplaise aux hypocrites de tout poils …

Je pense que décemment on se doit d'être présent. Pour eux et autant que possible quand ils le souhaitent. Rater un lever c'est parfois aussi rater la journée.

Alors ce matin j'ai pris un plaisir un peu interdit à bousculer ces habitudes. Car à trop cadrer, trop réglementer, trop segmenter et trop s'écouter dans tous les sens on perd l'essence même de notre humanité…

On ne se tourne plus vers l'autre mais on se tourne vers soi …
Et à ne plus regarder autour de soi on ne voit plus que du vide dans un petit trou : son nombril.

Publicité
Publicité
Commentaires
V
Bonjour Rod!<br /> <br /> Je t'en prie...c'est moi qui te remercie de si bien décrire notre quotidien d'AS!!<br /> <br /> A bientôt!
Répondre
A
Bonsoir Val,<br /> <br /> Merci pour tes commentaires réguliers sur mon blog. Je vois que tu le suis avec assiduité ! Ca fait plaisir !!<br /> <br /> Rod
Répondre
V
Bonjour!<br /> <br /> C'est bizarre cette pause de 9h,comme tu le dis...et je suis 100%ok avec ce que tu dis...un bon soignant se doit d'être "bizarre"^^et j'en suis fière!
Répondre
Journal d'un "être" soignant
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 47 751
Journal d'un "être" soignant
Publicité