Le mal est en chacun de nous ...
1962. Jérusalem. Hannah Arendt, journaliste juive, couvre le procès d'Adolph Eichmann, criminel nazi. Le patron d'Auschwitz.
Elle pensait trouver en ce "cher Adolph" un monstre assoifé de sang. LE criminel de guerre par excellence, le diable personnifié. Hannibal Lector en version germanique et croix gammée. Loupé. Celui que Hannah Arendt pensait être un terrible bourreau doté de l'esprit vif du vautour aux aguets n'était rien d'autre qu'un minable petit exécutant sans envergure … Qui ne faisait que poliment s'acquitter de sa tâche de modeste fonctionnaire bien élevé obéissant à un régime autoritaire et terriblement bien organisé … Un Adolph obéissant à un autre Adolph, un moustachu acariâtre à la mèche rebelle
(décidément, il manquait d'imagination créatrice pour les prénoms dans le 3ème Reich …).
Je vais vous raconter une autre histoire qui sera peut-être en lien avec la première …
Une histoire vécue dans un lieu que je tiendrai secret.
Dans cette histoire, il y a "Mickael". Tu ne m'en veux pas si je t'appelle Mickael ??
C'est vrai que je ne te laisse pas trop le choix. Excuse moi.
Sacré Mickael. Il est beau, il est grand, bronzé comme un surfeur de la côté ouest californienne.
Chemise à fleurs sur un torse brillant tartiné au monoï et œil bleu glacial qui font "kiffé grave" les petites nanas du service. La barbe de 3 jours, la chevelure massive et bien fournie d'un brun puissant, chaque mèche capillaire gominée, sculptée, d'une façon presque charnelle … Mp3 greffé sur son organe auditif, avec des lunettes de soleil piquées à Terminator …
Un beau mec, charismatique et ténébreux, sûr de lui, indestructible … Ce n'est pas un type. C'est un concept à lui tout seul Mickael …
Dans cette histoire il y a Jenny et Marie Lou. M'en voulez pas les filles je vous ai donné des noms d'emprunts. Jenny et Mary Lou ce sont ses collègues. Les collègues de Mickael. Mickael les "manage" avec une âme de chef. C'est lui qui dirige. C'est lui le plus ancien. C'est lui qui décide ce qui est bon pour les patients … Enfin surtout ce qui est bon pour lui. Car ce qui compte dans le service ce sont ses 3 heures de pause scandaleuses et quotidiennes immuables. Ce qui compte c'est qu'on lui obéisse. En petit despote du soin, il aime son travail qu'il exécute avec la régularité froide d'un métronome. J'aimerai ne pas te juger Mickael. Mais c'est dur quand je t'entends ouvertement mépriser ces hommes âgés. Alors s'abstenir de tout jugement n'incite-il pas un peu à excuser toutes les valeurs que tu bafoues … ?
Les filles se pâment devant Mickael. Elles ne voient plus son mépris pour ces hommes usés par le temps qu'il expédie rapidement le soir au coucher au fond du lit. Faut bien le comprendre : il a bien me droit d'aller s'en "griller" quelques unes, Mickael … Il est devenu un peu leur modèle, le mec cool qui bosse comme un dieu … Le mec sympa qui ne se prend pas la tête. Aveuglées, ses collègues finissent un peu par bosser comme lui. Avec autant d'empathie qu'un "tueur" aux abattoirs. Pourtant ce sont des braves filles … Mais il y a Mickael et c'est lui le chef. C'est lui qui sait. C'est l'autorité qu'on respecte. Alors ce mal est-il en chacun de nous ? Nous sommes quelque part des marionnettes malléables et influençables. Hannah Arendt l'a dit : le mal c'est l'absence de pensée … Si une autorité ou un pouvoir que nous reconnaissons et qui représentent à nos yeux une légitimité inébranlable nous ordonne de trucider notre voisin, nous leur obéirons peut-être. Alors tremblez braves gens ! Car au fond de votre cœur que vous croyez si bon il s'y cache sans doute un petit "Eichmann" … !